Altitude densité: attention danger! Trop chaud, trop haut, trop lourd!

La vidéo ci-dessus est un très bel exemple du danger de la méconnaissance de l’altitude densité.
La scène se passe sur le terrain de Bruce Meadows airstrip dans l’état d’Idaho au nord-ouest des Etats-Unis. A bord d’un Stinson 108-3, le pilote et ses 2 passagers parviennent à décoller avec beaucoup de difficulté depuis ce terrain à 6300 pieds d’altitude et vont se crasher quelques minutes plus tard dans les arbres d’une forêt. Heureusement, les 3 s’en sortent avec des blessures mineures, le pilote ayant tout de même la mâchoire fracturée.

La densité de l’air !

Deux facteurs influent sur la densité de l’air:

  • la pression atmosphérique
  • la température

Un troisième facteur joue également mais dans une moindre mesure: l’humidité. En effet, un air sec est plus dense qu’un air humide.

Vous aurez surement remarqué que votre moteur fonctionne beaucoup mieux l’hiver par temps sec et frais que l’été par temps humide et chaud.

Du coup, pour la pression atmosphérique, on sait qu’elle diminue avec l’altitude. Donc plus vous montez haut, plus la pression baisse et plus la densité diminue. Au niveau de la mer, la pression est plus élevée, la densité également car l’air est davantage comprimé.
Pour la température de façon encore plus significative, plus elle augmente, plus l’air tend à se raréfier et là encore la densité baisse.

Vous comprenez d’ores et déjà que lorsqu’on conjugue haute altitude et forte température, la densité de l’air s’affaiblit d’autant plus.

La densité de l’air joue un rôle important pour permettre à un avion de voler, c’est à dire assurer sa portance. Rappelez-vous la formule de la portance: Lift = ½ ρ V² S C où ρ (rho) représente la densité. Si cette dernière diminue, la portance fait de même, à moins d’augmenter une des autres valeurs (vitesse, surface de l’aile ou coefficient de portance) en conséquence.

L’altitude pression et l’altitude densité !

En condition standard ISA (International Standard Atmosphere), la pression de référence est 1013 hPa.
L’altitude pression est l’altitude lue sur un altimètre calé à 1013hPa:

  1. En vol, on parle de niveau de vol (Flight Level)
  2. Au sol, c’est moins connu, on parle de QNE

Dans notre cas, ce qui nous intéresse, c’est le QNE, l’altitude pression du terrain. Une pression atmosphérique locale (QNH) plus basse que la standard (1013hPa) a pour conséquence une altitude pression plus élevée que l’altitude de l’aérodrome, et ceci à raison d’un écart de 28 ft (on arrondi généralement à 30 ft pour faire simple) de plus par hPa. A noter qu’un hPa vaut 36 ft de 0 à 1000 ft, 28 ft de 1000 jusqu’à 5000 ft, au-dela la valeur augmente et atteint environ 73 ft / hPa vers 30000 ft.

Exemple: Disons que nous sommes sur un terrain situé à 1000ft. 1000 / 28 = 36hPa. Nous avons un QNH à 1000 hPa. On fait la différence avec le calage 1013, ça nous donne 1013 – 1000 = 13 hPa. La différence entre le terrain et 1013 est: 36 + 13 = 49 hPa. On convertit en pied: 49 x 28 = 1372 ft. Dans ces conditions, sans parler de la température, pour un terrain indiqué à 1000 ft, c’est comme si nous nous trouvions à 1372 ft.

L’altitude densité est l’altitude pression corrigée de la température. Si la température d’un aérodrome à un moment donné est plus élevée que la température ISA, il faut ajouter 120 ft / degré Celsius. C’est là qu’on se rend compte que la température a un impact majeur sur l’altitude densité et donc sur les performances d’un avion.

Continuons notre exemple: à 1000 ft, la température ISA est 15°C – ( 1 x 2°C) = 13°C. Admettons qu’il fasse 35°C, cela nous donne une différence ISA de +22°C. 22 x 120 ft = 2640 ft.
2640 ft + 1372 ft = 4012 ft. Pour un terrain physiquement situé à 1000 ft, c’est comme si nous étions à 4012 ft. On comprend alors pourquoi les moteurs souffrent et ont du mal… Les pilotes qui font du largage de parachutistes sur avion à piston comme le Cessna 206 savent très bien qu’ils vont perdre plusieurs minutes sur le temps de montée lorsqu’il fait très chaud!

Dans mon exemple, je prends un terrain situé à 1000 ft, mais imaginez un terrain se trouvant déjà à plus de 6000 ft…

Vous pouvez utiliser ce “computer” pour trouver l’altitude densité à partir de l’altitude pression et température et faire quelques simulations: http://www.csgnetwork.com/e6bcalc.html

Les conséquences sur les performances de l’avion et ce à quoi il faut s’attendre!

Une température importante associée à de basses pressions et une haute altitude sont le “cocktail” parfait pour une densité de l’air faible. Même avec un réglage optimal de la mixture, la capacité du moteur sera fortement diminuée (je reviendrai sur ce point). Les conséquences pour vous dans l’avion seront:

  • Une course au sol et distance de décollage qui augmentent. C’est flagrant dans la vidéo, on voit l’avion qui peine terriblement, il rebondit une fois puis décolle mais reste très bas. On voit rapidement après le décollage le bout de la piste qui fait quand même 1500m. Un Stinson de ce type décolle sur environ 500m dans des conditions “normales”.
  • Un taux de montée (vario) très faible. La encore, on le voit très bien dans la vidéo et c’est peut être la chose la plus marquante: l’avion ne monte pas! S’il a un vario de 100 ft / min, c’est le bout du monde. La situation doit être très frustrante pour le pilote qui à mon avis ne comprend pas ce qu’il se passe.

Les paramètres sur lesquels on peut agir!

  • Diminuer le poids de l’avion. Le poids par opposition agit contre la portance. On ne chargera pas complètement l’avion, un passager en moins par exemple, moins de bagages et moins de carburant en gardant tout de même les marges réglementaires.
  • Réduire la mixture. En montagne uniquement et c’est plutôt conseillé, on peut faire des décollages “mixture réduite”. Cela permets de réduire l’essence envoyée dans les cylindres et donc de réajuster de manière optimale le mélange air / essence et obtenir le maximum de puissance.

NB: En aéroclub, on nous apprend de ne pas mixturer en-dessous de 3000 ft. Je pense que c’est pour éviter “les complications” en général et il est vrai qu’on est peu formé dans ce domaine je trouve. La technique de réduire la mixture jusqu’à ce que le moteur ratatouille, puis réenrichir d’un centimètre est quelque peu aléatoire… Des outils puissants comme les EDM (Engine Data Management) permettent de contrôler son moteur parfaitement. Ils sont certes onéreux, mais ils sont aussi garants d’économies en maintenance! https://www.jpinstruments.com

Le dosage : C’est le rapport existant entre un poids d’essence et un poids d’air. 1 gramme d’essence pour 15 grammes d’air est dit « DOSAGE THEORIQUE ou PARFAIT ».

Mélange RICHE : Si pour 1 gramme d’essence il y a moins de 15 grammes d’air, on a un mélange riche. (1/12 est un mélange RICHE)
Mélange PAUVRE : Si pour 1 gramme d’essence il y a plus de 15 grammes d’air, on a un mélange pauvre. (1/18 est un mélange PAUVRE)

Cependant, pour tous les moteurs, le dosage de puissance maximum est de 1 gramme d’essence pour 12,5 grammes d’air. Cela veut dire que pour obtenir la puissance maximum, il vaut mieux un mélange un peu trop riche que trop pauvre.
Comme on l’a vu précédemment, plus on grimpe en altitude, moins il y a d’air et plus sa densité est faible. Si on ajuste pas la mixture qui est réglée pour la meilleure puissance au niveau de la mer, plus on va monter, plus le moteur va perdre en puissance. Il perdra dans tous les cas jusqu’à atteindre son plafond opérationnel, c’est à dire qu’il aura atteint son altitude max et ne pourra plus monter.
Si on ne mixture pas l’avion, le mélange va donc devenir trop riche et les bougies vont s’encrasser. En général, le moteur va “ratatouiller”. Si on continue sans rien faire, le moteur pourra même se couper car le mélange est trop riche et devient incombustible (on a 1 gramme d’essence pour MOINS de 4,5 grammes d’air). Il convient donc de mixturer en fonction du manuel de vol pour trouver le meilleur réglage. Il faudra veiller à ne pas trop appauvrir non plus pour éviter une perte de puissance mais aussi une surchauffe moteur (paramètres des températures des gazs d’échappements et têtes de cylindre: EGT / CHT).

En résumé

Ce qu’il faut retenir de façon simple c’est que lorsqu’il fait chaud et que vous êtes haut, ça doit faire “TILT” et vous devez pensez altitude densité, d’autant plus si vous volez sur de petits tagazous à faible motorisation. La préparation du vol est indispensable, distance de décollage, taux de montée dans les conditions, masse et centrage… Connaître les capacités de son avion, s’imprégner du manuel de vol.

Pour donner mon avis sur la vidéo, je pense que le pilote aurait du arrêter le décollage sur la piste car elle était suffisamment longue. Au pire, en voyant qu’il ne montait pas, il avait le temps de se poser 10 fois sur la plaine face à lui avant d’arriver dans la forêt. Un demi tour aurait été fatal. Je pense que ce pilote a “tunélisé” et voulait décoller coûte que coûte sans comprendre réellement ce qui se passait sur le moment.

Leave a Reply